ANNONCER A UN CANDIDAT
QU’IL N’EST PAS RETENU
Cela fait partie du quotidien de tout employeur, recruteur et manager. Et ce n’est pas la partie la plus agréable du travail. Pourtant, au cours du processus de recrutement, il y a généralement moins d’élus que d’aspirants. Et il faut bien dire aux prétendants recalés que le poste qu’ils convoitaient leur passe sous le nez.
Pour accomplir cette besogne correctement, mieux vaut faire preuve d’un certain doigté, couplé à une bonne dose d’empathie. Le Journal du Net vous indique la marche à suivre pour annoncer à un candidat qu’il n’est pas retenu.
En amont, cadrer la réponse
En matière de mauvaise nouvelle, un candidat averti en vaut deux. Le processus de recrutement doit être limpide aux yeux de tous. Le plus rapidement possible, expliquez clairement comment va se dérouler la suite des opérations.
Les échéances doivent être claires. Si le recruteur s’engage à fournir une réponse le vendredi, il doit s’y tenir ou prévenir d’un éventuel retard. N’oubliez pas que le candidat reste dans l’angoisse de l’attente. Et qu’il sera d’autant mieux prêt à accepter un refus qu’il s’attend à une réponse.
Prévenir, coûte de coûte
Jouer les oiseaux de mauvaise augure, personne n’aime cela. « Ce n’est jamais facile de présenter des choses qui ne sont pas agréables à entendre par le candidat », témoigne Emilie Trappler, senior manager de la division ressources humaines au cabinet de recrutement Hays. « C’est la partie la moins agréable de notre métier, renchérit Laurent Hürstel, directeur associé chez Robert Walters. Mais nous sommes obligés de prévenir les candidats malheureux, ne serait-ce que par correction ».
Les candidats s’investissent dans le recrutement, s’imaginent dans le poste. Vous leur devez donc une réponse, même négative. Au-delà de la politesse minimale, il est toujours utile de rester en bons termes avec des professionnels qui ont montré des compétences et prouvé leur motivation.
Décrocher son téléphone
Il peut être tentant de privilégier l’écrit au moment d’annoncer la mauvaise nouvelle. Par e-mail, on évite la confrontation douloureuse avec la déception du candidat. Une solution de facilité qui est loin d’être idéale. « Les retours se donnent systématiquement au téléphone, jamais par écrit », insiste Emillie Trappler. C’est un acte de respect vis-à-vis des candidats déjà rencontrés.
En revanche, dans le cas où le rejet de la candidature a lieu avant même un entretien, une réponse écrite peut se justifier.
Rester objectif
Une fois le candidat au bout du fil, il vaut mieux être clair sur le message. Non seulement vous devez expliquer que le processus de recrutement n’aboutit pas mais vous vous devez de fournir un minimum d’explications. « Tout réside dans l’objectivité et la simplicité de l’explication, insiste Laurent Hürstel. Il faut dire les choses comme elles sont. »
Pour ne pas prêter le flanc à la critique, avancez des faits objectifs : un manque d’expérience, une langue étrangère mal maîtrisée, des prétentions salariales trop élevées… Mettez en lumière le ou les aspects concrets qui ont conduit à prendre cette décision et ne restez pas dans le flou.
Contextualiser le refus
Au moment d’expliquer les points sur lesquels la candidature a pêché, le recruteur se doit de situer le recrutement dans son environnement particulier afin de ne pas se montrer blessant. « Un candidat n’est jamais bon ou mauvais dans l’absolu, il l’est par rapport à un poste, rappelle Laurent Hürstel. La réponse négative l’est toujours par rapport à un cahier des charges. »
Contextualiser le refus par rapport à un poste particulier permet de ne pas décourager le candidat, qui peut parfaitement trouver un employeur ailleurs. D’autant que « les préférences varient d’une entreprise à l’autre, voire d’une personne à l’autre au sein d’une même entreprise », ajoute Emilie Trappler.
Etre clair, même quand le candidat est bon
Annoncer un refus » est encore plus difficile lorsqu’il s’agit d’un finaliste, qui répond aux cahiers des charges et qui a prouvé sa motivation », juge Laurent Hürstel. D’abord, parce que s’il est arrivé au dernier entretien, il a forcément compris qu’il était à deux doigts du poste. Ensuite parce qu’il répond probablement à toutes les exigences et qu’il est donc plus compliqué de pointer ses défauts.
Il ne faut d’ailleurs pas occulter ses qualités. « Cela fait du bien d’entendre que l’entretien s’est bien déroulé et que l’employeur a apprécié sa candidature, souligne Emilie Trappler. Mais il arrive qu’un autre candidat a pu être meilleur sur tel ou tel point qui a fait la différence. » Même si elle est dure à avaler, cette vérité est généralement comprise par les candidats.
Se montrer bienveillant
Du ton de la voix à la présentation des arguments, votre explication doit faire preuve de bienveillance vis-à-vis du candidat. « Il faut simplement s’intéresser à la personne, être gentiment simple, faire preuve d’empathie, rappelle Laurent Hürstel. On n’a aucune raison d’être désagréable ! » Le moment est probablement difficile à vivre pour le candidat, qui mérite un minimum d’amabilité.
Une proximité d’autant plus naturelle que les interlocuteurs se connaissent déjà. « A ce moment-là, on a généralement déjà rencontré le candidat, rappelle Emilie Trappler. Une relation privilégiée avec le candidat a déjà été nouée. »
Faire preuve de franchise
Se montrer prévenant dans la manière dont on présente les choses n’empêche pas de faire preuve d’honnêteté à son égard. S’il a perdu ses moyens en entretien et que cela lui a coûté le poste, mieux vaut le lui dire sans détours, afin qu’il ne reproduise pas les même erreurs.
« A quoi cela sert de mentir à un candidat ? A rien, tranche Emilie Trappler. Il faut lui présenter les choses telles qu’elles sont, certes avec des rondeurs et de la diplomatie, mais c’est notre métier. » Un candidat vous sera reconnaissant de lui avoir exposé la réalité, même si ce n’était pas agréable.
Fournir des conseils pour la suite
Un candidat éconduit a besoin de rebondir. Le recruteur peut l’aider à se remettre en selle après un échec, même si ce n’est pas évident. « Il m’arrive de donner des conseils aux candidats malheureux mais uniquement à leur demande », raconte Laurent Hürstel.
Ces éléments sont pourtant bien utiles pour réussir sa recherche d’emploi. « Au moment où nous lui donnons la réponse, nous conseillons le candidat pour qu’il ne renouvelle pas ses erreurs et nous réorientons éventuellement sa recherche d’emploi », témoigne Emilie Trappler. Un ton inapproprié en entretien, une lacune flagrante ou encore des ambitions trop importantes sont autant de retours qui permettent d’avancer.
Faire face aux réactions
Evidemment, le coup de téléphone annonçant la mauvaise nouvelle n’est pas un monologue. Si le recruteur a la lourde charge de pointer du doigt les éventuelles erreurs, le candidat a toute latitude pour réagir. Même s’il est rare d’entendre un candidat s’énerver au bout du fil, son attitude peut désarçonner.
« Il y a des vraies déceptions, confirme Laurent Hürstel. Dans ces cas-là, on essaie de rebondir, de les remettre dans l’axe de la recherche. S’il faut y passer 10 minutes, on y passe 10 minutes. » Quelle que soit sa réaction, vous devez lui transmettre les principales raisons de son échec.
Justifier un non-recrutement : que dit le droit ?
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, le 19 avril 2012, sur l’éventuelle obligation d’un employeur de justifier son choix à un candidat non retenu. Une candidate malchanceuse, qui remplissait les critères édictés par une offre d’emploi, suspectait une discrimination. Elle avait alors réclamé en vain à l’entreprise la raison du rejet de sa candidature.
La CJCE explique que les règles européennes « ne prévoient pas le droit, pour un travailleur alléguant de façon plausible qu’il remplit les conditions énoncées dans un avis de recrutement, et dont la candidature n’a pas été retenue, d’accéder à l’information précisant si l’employeur, à l’issue de la procédure de recrutement, a embauché un autre candidat. »
En revanche, la CJUE met en garde : le refus de répondre aux questions d’un candidat recalé « peut constituer l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’établissement des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. »
Réalisé par Fabien Renou, Journal du Net, Publié le 11 juin 2012
haut de page